jeudi 8 septembre 2016

Quand la nature nous révèle




 "La nature aime à se cacher." 

Heraclite d'Ephèse


Les peurs qui nous gouvernent
Il semble qu'une des plus grandes peurs de l'homme c'est d'être dévoré. Je fais partie des personnes traumatisées par la vision cinématographique précoce de monstres marins déchiquetant de paisibles vacanciers inconscients de leur destin funeste. On ne choisit pas ses fixations, on les raisonne encore moins. Je traîne donc depuis des décennies une inquiétude qui me fait préférer la montagne à la mer. Cependant, je pratique la natation en piscine et en eau douce même si je ne suis jamais vraiment tranquille. Qui sait si quelque animal ne viendrait pas m'attirer vers le fonds ! J'avoue que ma peur me poursuit parfois dans les toilettes publiques. Mais ça c'était avant comme le répète la pub inlassablement mais avec beaucoup de génie.

L'idée de soi qui nous trouble
"Avant" c'était quand la grande ville était mon espace naturel. Les requins ne me faisaient pas peur car j'avais appris à les repérer, à les éviter ou à les neutraliser. C'était avant l'idée que je me faisais de moi-même perchée sur mes talons pour valider ma compétence (Oui, l'image fait presque tout !), avant la sensation de mon corps flottant dans une eau douce, fraîche, enveloppante au milieu d'un décor fabuleux. C'était avant le Brésil à l'année.

C'est fou comme nous pouvons être conditionné par ce qui est dit sur nous et que nous validons sans le remettre en cause. Il faut du temps. Il faut des circonstances. J'ai toujours été définie "de l'extérieur" comme la vraie parisienne, celle qui avait horreur de la nature, trop adaptée à la ville, au monde, au stress urbain, à l'effervescence. J'y ai longtemps cru même si à l'occasion de mes voyages, je sentais bien cette attirance, ce plaisir à être près des arbres, à écouter l'eau ruisseler. Je n'avais pas besoin de grand spectacle, juste un petit coin de verdure.

L'expérience qui nous révèle
Il aura fallu le Brésil, l'immersion permanente dans une nature grandiose à la diversité dépassant l'imagination pour lever le voile sur ma nature profonde : j'ai besoin d'être près de la nature, dans la solitude de l'aube, le chant des oiseaux (sauf celui hurle à 4h du matin ! Ça va pas du tout ça !), la compagnie des arbres et des fleurs. Je n'ai pas eu besoin de lutter, la réalité s'est imposée d'elle-même. La nature me rend heureuse de ce bonheur qui gagne le corps tout entier, qui emplit d'énergie, qui illumine.

Certes, il me reste quelques problèmes à régler avec les animaux à commencer par les vaches qui me terrorisent, les moustiques qui s’insupportent, les gambas qui me font hurler, les capybaras qui me dégoûtent... Mais la direction est prise.

 




Photo : Chapada Imperial, Brasilia, DF, Brésil 2016

lundi 9 mai 2016

Lettre à mon petit-fils



"Il suffit d'un baiser pour apprendre l'amour."
Max-Pol Fouchet

De l'autre côté de l'Atlantique, par la magie des ondes, je découvre ton visage de petit homme. Tu t'appelles Victor. En quelques heures, tu as conquis les cœurs. Ta première victoire sur le monde, peut-être la plus essentielle. Et me voilà grand-mère, la mère de ton père. Ce grand fils que j'aime tant. Et toi maintenant. Aimer encore. Sans limite. Sans peur. Te faire ce cadeau. Te donner cette force.

J'aime ton visage de nouveau-né affamé à la sortie du bain, agrippé à ton pouce dans l'attente que le lait te nourrisse. La vie commence avec ce besoin, cette attente, cet espoir ; une vie qui te remplisse. On te dira plus tard que tu es né à une drôle d'époque. Naître et grandir c'est découvrir ce que les générations précédentes t'ont légué de fabuleux et de plus dramatique. L'un ne va jamais sans l'autre, au plus fort du courant tu choisiras ta rive. Du haut de l'arbre où ta naissance me projette, riche de mon expérience, de mes grands bonheurs et de mes peines, de toutes mes épreuves, de toutes mes victoires, je te transmets ma foi : tu pourras choisir ce que tu veux vivre, celui que tu veux être.

De l'autre côté de l'Atlantique, j'attends de te serrer dans mes bras, de sentir ta peau si lisse déjà caressée mille fois, qui ne jamais ne s'use, qui jamais ne se lasse d'entrer victorieuse dans la vie de ses parents.





mercredi 16 mars 2016

La vie rêvée des autres


"Etre heureux c'est toujours être heureux malgré tout."
Clément Rosset
 
 
 
 
Evaluer sa vie à l'aune de celle d'autrui : le malheur assuré
S'il existe une façon d'être malheureux à coup sûr  c'est de focaliser sur ce que les autres possèdent et qui semble nous manquer.  C'est une fâcheuse manie mais une tentation irrésistible, un plaisir à se faire du mal pour le meilleur (Se motiver) ou pour le pire (Eviter d'essayer donc se préserver de l'échec, se condamner à une vision médiocre de soi.).  Si nous savions vraiment ce que les autres vivent et le prix à payer pour être à leur place, il est moins sûr que l'envie nous tienne encore. Chacun porte sa croix, tire son boulet, cherche la sortie dans le labyrinthe de ses expériences du monde. Vivre est pour chacun un chemin parsemé de larmes.
 
Faire avec sa vie
Tout avoir ne remplit pas la vie. Parfois, elle la vide de sa substance. Le combat modéré, la bataille pour obtenir ce qu'on souhaite, le dépassement d'épreuves donnent du relief à l'existence.  Il s'agit plutôt de vivre SA vie, celle qui nous est destinée. Nous avons pour mission d'en tirer le meilleur. Progresser, quelque soit le domaine, est une garantie de gratification. Cela fait naître en soi un profondément sentiment de bien-être. Ce que nous percevons de la vie d'autrui et qui nous donne envie nous parle de ce qui nous manque et qui pourtant existe en nous de façon embryonnaire. Il s'agit de savoir comment faire grandir l'embryon.
 
Savoir ce que l'on veut
La plupart des gens ne savent absolument pas ce dont ils ont envie. Ils se laissent capturer par les images séduisantes qu'on leur propose mais qui n'ont rien à voir avec leurs besoins profonds. C'est pour cela, qu'une fois atteint leur objectif (couple, maison, argent, voyage, job), le dégoût ou l'ennui les saisissent. Ils ignorent également ce qui fait leur valeur, leur différence ou bien cela ne leur semble pas suffisant ou encore trop difficile à mettre en œuvre. Tendre vers un "autre" idéal semble plus confortable mais c'est une tension qui fige dans la frustration ou dans un rêve qui fait pâlir le quotidien.
 
Le merveilleux est partout mais il faut exercer son œil et son âme pour le saisir. Cultiver la joie en soi indépendamment des circonstances est un art nécessaire. Dans l'application qu'on met à le parfaire, on est heureux d'être simplement soi.