mercredi 5 avril 2017

Changer de peau


"On n'est pas seul dans sa peau."
Henri Michaud


Ce qui est formidable dans le voyage c'est qu'il offre la liberté de changer de peau. Soudainement affranchi de la pression qu'exerce le devoir de conformité et de lisibilité sociale, on explore de nouvelles facettes de soi. Quand on se déplace vers des latitudes équatoriales, la chaleur impose à la parisienne un rapport inédit à l'épiderme, à la couleur, au style et à la forme.

Être femme avant tout
Au Brésil, la nudité s'affiche le plus souvent avec naturel -  C'est une nécessité climatique - avec outrance certains diront compte tenu de l'échancrure impressionnante des shorts, de la dimension minimaliste des jupes sans oublier l'incontournable string que les femmes les plus plantureuses s'infligent.  C'est aussi une nécessité économique ; séduire par un corps qui est son seul capital, mince ou fort peu importe pourvu qu'il renvoie à la féminité.  L'européenne apprend donc brutalement à abandonner son armure, à dévoiler les cuisses qu'elle cache depuis ses trente ans, à se trouver à l'aise dans des tenues qu'elles n'auraient jamais portées sans faire mourir de rire ses bonnes copines ou mourir de honte ses enfants.

Tout est permis (ou presque)
Changer de peau fait un bien fou. C'est rafraîchissant. Ressourçant. Rajeunissant. Être soi et à la fois une autre, une qui sommeille en attendant qu'on lui offre une scène, qu'on l'invite à faire quelques pas. C'est un sentiment intense de liberté et de joie que de libérer celle ou celui qui dort quelque part en soi. Qu'on ignorait. Il faut voyager pour mesurer le poids des contraintes que font peser sur nous nos sociétés très normatives pour prix à payer d'une sécurité de plus en plus  illusoire. Quand le corps se détend, l'esprit devient joyeux et créatif.


La couleur c'est la vie
A Paris, on privilégie le sombre parce que c'est peu salissant. Pratique avant tout et à raison. Tellement de pollution. Se fondre dans la masse pour ne pas perdre de temps. Au Brésil, sous un soleil toujours intense et au milieu de la grande misère, les couleurs sont un remontant, une promesse de vie et de fête. Les vêtements sont zébrés, tachetés, rayés des tons les plus criards, les maisons se déclinent en abricot, en vert turquoise, en jaune citron, en bleu marine, en rose layette que l'humidité grignote. Le rouge à lèvres fleurte avec le fluorescent. Alors on ose tout !

Nous sommes tellement plus que ce que nous montrons.