vendredi 29 décembre 2017

Revenir à la vie sauvage


"Sauvage est la proximité du sacré"
Friedrich Hölderlin


Dans la grande ville, nous ne connaissons du sauvage que la violence de la pulsion destructrice, celle qu'on nous jette au visage dans la rue ou le métro, celle qui nous pousse, nous écrase, cherche à nous soumettre au profit d'un autre ou d'une organisation. Pourtant, il existe dans l'instinct sauvage, une pulsion de vie qui aide au vivre ensemble, à la préservation de l'environnement nourricier, qui dans l'expression libre de ce qui est nous offre une beauté époustouflante, proche du sacré, apaisant pour l'âme, régénérant pour le corps.

Découvrir l'espace
Le manque d'espace est la plus sure façon d'entrer dans la haine. Nous avons besoin d'espace, d'intimité, d'horizon qui ne soit pas bouché par l'oeuvre de l'Homme. Nous avons besoin de retrouver cette sensation de liberté et de découverte qu'offre la Nature en grand. Courir sans qu'aucune route, qu'aucun radar, qu'aucune loi ne nous arrête, émerveillé par les couleurs et les formes des fleurs, la diversité infinie de la faune, ses chants, ses cris, ses bruissements, ses odeurs. La Nature offre un spectacle avec lequel aucune production humaine ne peut rivaliser. Elle nous rend notre place dans l'ordre du monde.

Renoncer à l'apparat
La Nature nous pare de ses beautés. Elle rougit notre peau, embellit notre chevelure, fait briller nos yeux, enhardit notre cœur. Nous osons vivre à découvert, nous avançons. Notre personnalité est à vif, elle présente enfin des saillances là où elle étouffait sous l'aspect lisse qu'impose le monde moderne. Revenir pour un temps à la rusticité nous fait découvrir une nouvelle beauté, celle de la peur dépassée, du repos après l'effort, d'une douche après la boue, d'une eau fraîche après le brûlant des journées.

Honorer ce qui est simple en soi
Qu'il est bon de fréquenter l'état sauvage où le pratique a le droit de l'emporter sur l'esthétique, où on peut se délester de l'ego pour se concentrer sur ce qui est autour de soi et sur ce qui se passe en soi : la magie d'appartenir à cette Terre. Nous y avons notre place sans besoin de lutter pour exister. Se ressourcer à la sève du monde. Respirer l'air pur. Bientôt un luxe.

Naturellement, la civilisation a ses avantages et celui qui vit sur une terre aride et infertile aimerait sans doute pouvoir faire ses courses au supermarché. Mais comme pour tout dans la vie c'est l'équilibre que se trouve la vérité entre le confort du monde moderne et la nécessité de préserver l'état sauvage. 




mardi 5 septembre 2017

Du fantasme à la réalité


"Le réel, c'est quand on se cogne."
Jacques Lacan


Le fantasme est utile et agréable. En premier lieu, il occupe l'esprit quand il s'ennuie de tourner  autour des mêmes pots. Il le remplit, le colore, lui donne de l'enthousiasme, du mouvement. Le fantasme a le caressant d'une douce promesse et le cinglant de celle qui ne sera jamais tenue. Il donne du plaisir comme on se baigne dans une eau tiède et transparente que rien ne vient brouiller. Mais le fantasme n'entretient qu'un lien lointain avec le réel.

Depuis mes quinze ans, j'avais un fantasme, celui de visiter Machu Picchu, cette cité Inca perchée à plus de 2 400 mètres sur la Cordillère des Andes. Je me rêvais montant allégrement les flancs de la montagne péruvienne, le souffle léger malgré l'altitude, les yeux brûlés par le soleil, tendue de tout mon être vers le miracle qui là-haut m'attendait : les vestiges de la ville de Machu Picchu avec ses cultures en terrasses, le Temple du Soleil, les lamas ...

C'était sans compter avec le réel qui s'appelle tourisme et météo. Dès 3h du matin, au pied de l'hôtel d'Aguas Calientes, des files immenses de visiteurs attendant le bus pour accéder sans trop d'efforts au site par la route serpentine. Peu m'importait encore puisque j'avais décidé de monter à pied malgré la pluie insistante et les températures très fraîches en ces fonds de vallée. J'avais dû également me résoudre à vêtir ces imperméables qui protègent certes du crachin mais se transforment rapidement en sauna portatif. C'est donc dans la nuit, le froid et la sueur, dans un "look" improbable, au bord du divorce, que je suis arrivée après plus d'une heure de grimpette à Machu Picchu.... où près de deux-cents personnes en imperméable attendaient pour entrer sur le site. Les quais du métro aux heures de pointe !

Rien. Je n'ai rien vu. Absolument rien. Du brouillard partout. Machu Picchu avait disparu. Mon fantasme s'est fracassé sur le mur de la réalité. Je serai désormais plus prudente.

Heureusement, le Pérou n'est pas que Machu Picchu !







mercredi 5 avril 2017

Changer de peau


"On n'est pas seul dans sa peau."
Henri Michaud


Ce qui est formidable dans le voyage c'est qu'il offre la liberté de changer de peau. Soudainement affranchi de la pression qu'exerce le devoir de conformité et de lisibilité sociale, on explore de nouvelles facettes de soi. Quand on se déplace vers des latitudes équatoriales, la chaleur impose à la parisienne un rapport inédit à l'épiderme, à la couleur, au style et à la forme.

Être femme avant tout
Au Brésil, la nudité s'affiche le plus souvent avec naturel -  C'est une nécessité climatique - avec outrance certains diront compte tenu de l'échancrure impressionnante des shorts, de la dimension minimaliste des jupes sans oublier l'incontournable string que les femmes les plus plantureuses s'infligent.  C'est aussi une nécessité économique ; séduire par un corps qui est son seul capital, mince ou fort peu importe pourvu qu'il renvoie à la féminité.  L'européenne apprend donc brutalement à abandonner son armure, à dévoiler les cuisses qu'elle cache depuis ses trente ans, à se trouver à l'aise dans des tenues qu'elles n'auraient jamais portées sans faire mourir de rire ses bonnes copines ou mourir de honte ses enfants.

Tout est permis (ou presque)
Changer de peau fait un bien fou. C'est rafraîchissant. Ressourçant. Rajeunissant. Être soi et à la fois une autre, une qui sommeille en attendant qu'on lui offre une scène, qu'on l'invite à faire quelques pas. C'est un sentiment intense de liberté et de joie que de libérer celle ou celui qui dort quelque part en soi. Qu'on ignorait. Il faut voyager pour mesurer le poids des contraintes que font peser sur nous nos sociétés très normatives pour prix à payer d'une sécurité de plus en plus  illusoire. Quand le corps se détend, l'esprit devient joyeux et créatif.


La couleur c'est la vie
A Paris, on privilégie le sombre parce que c'est peu salissant. Pratique avant tout et à raison. Tellement de pollution. Se fondre dans la masse pour ne pas perdre de temps. Au Brésil, sous un soleil toujours intense et au milieu de la grande misère, les couleurs sont un remontant, une promesse de vie et de fête. Les vêtements sont zébrés, tachetés, rayés des tons les plus criards, les maisons se déclinent en abricot, en vert turquoise, en jaune citron, en bleu marine, en rose layette que l'humidité grignote. Le rouge à lèvres fleurte avec le fluorescent. Alors on ose tout !

Nous sommes tellement plus que ce que nous montrons.